N81: Estime de soi

MANUSCRIT N°81
Derrière le masque
Adulte

ESTIME DE SOI

Il fut masqué le jour de sa naissance, cachant une blessure dont il est difficile d’en extirper son regard. Tout le monde le voyait monstre, même au sein de sa propre famille. Seul Eleanore, sa sœur, lui vouait un véritable amour. C’est d’ailleurs grâce à cette dernière que ce jeune bambin survécu tout ce temps. Ils vivaient tout deux dans un monastère, parents alcooliques et violents leur avaient enseigné que la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Vivant dans la précarité du dogme, ces jeunes enfants s’éprirent de la foi qu’abritait ce lieu. Ainsi, les grandes statues, symbole de puissance divine, était pour eux un moyen de s’évader dans des contrées ou l’abondance était sans limites : leur esprit.

Peu à peu ils apprirent ensemble les arcanes de la spiritualité et devinrent bientôt liés par leur amour. Tout deux ressentaient maintenant ce que l’autre imaginait et vivait. Élevés au sein même de l’église et certainement par orgueil, les moines crièrent au miracle divin sans prononcer une seule fois quelconques accusations de sorcellerie. Le cadet, toujours masqué, ne pouvait accepter la vision d’un autre visage que celui de sa sœur sur son visage scarifié. A tel point qu’un jour, le pape en personne fut brusqué d’un refus d’obtempérer de la part du jeune garçon. Son courroux fut sans appel. Pour avoir désobéi à l’émissaire de Dieu, le jeune homme n’aurait d’autre choix que de vivre une vie de martyr. Ainsi, il obligea celui-ci à partir en exil. Ainsi les deux êtres furent séparés pour la première fois de leur vie.

La première et unique journée de son périple était monotone et triste, sans grande inspiration le jeune homme s’adossa à un pommier et fit tomber une pomme sur sa tête. Ressentant une douleur au même endroit, sa sœur Eleanore, pris de panique, quitta le monastère à la recherche de son frère. Le frère quant à lui sentant la panique de sa sœur, se résigna et couru pour la rejoindre au monastère. Perdue depuis un couple d’heure la sœur voulue rebrousser chemin. Malheureusement, la nuit commençait à tomber et il ne faisait pas bon vivre dehors à cette époque de l’année. Elle marcha sur un sol gelé et pria le seigneur de lui accorder la force de vivre pour son frère.

De son côté le jeune frère courait aussi vite qu’il le pouvait, sentant l’essence vitale de sa sœur diminuer peu à peu. Tant est si bien qu’il percuta violemment un tronc couché là depuis quelques années déjà. Sa tête heurta le sol, son masque se fendit et laissa transparaître une cicatrice qui couvrait les trois quarts de son visage. Il se mit à pleurer, car il imaginait que Dieu ne lui vouait que haine et qu’il essayait de lui rendre la vie plus dure qu’elle ne l’est déjà. Malgré tout, il gardait foi en ce dernier, et ne lui vouait aucun sentiment impie. La pureté du jeune homme ému un ange qui descendit de son piédestal pour lui venir en aide. Voyant la pureté de son âme, il embrassa son corps par le dos et lui fit ressentir une grande quiétude. Le jeune homme vivant un état de bonheur incommensurable ne pouvait se résigner à tourner son visage pour voir son bienfaiteur. Car à la seconde où il eut cette idée, la peur du rejet le renvoya dans sa réalité scarifiée. L’ange compris que le jeune homme avait peu d’estime pour sa propre vie, et il accepta que le jeune garçon lui cache son visage. L’être céleste lui confit alors un masque d’amour, qui lui donnerait aux yeux des autres une bienveillance divine. Puis dans la nuit sa lumière s’estompa et le jeune garçon sonné par tous ces événements, sombra dans le sommeil.

A bout de force, sa sœur arriva sur les marches du sanctuaire, et implora Dieu de lui rendre son frère. Elle n’eut aucune réponse de ce dernier mais trouva soin et logis parmi les frères de la paroisse. Bouillante de fièvre, et imaginant les pires horreurs, elle se rendit tout de suite compte que le lien qu’ils avaient mis tant de temps à nouer avait disparu, comme si l’un des deux êtres n’était plus. Paniquée elle essaya de sortir de son lit, dont les draps étaient très bien serrés. Douloureuses au possible, elle réussit à se mettre débout puis chu sur le sol en pavé de sa chambre. Elle vit alors une souris sous son lit, mordillant un morceau de tissu pour qu’il sied à son nid. Incapable de bouger, ni de prononcer une parole, elle maudit Dieu de toute ses forces pour le châtiment qu’il était en train d’opérer sur ses deux créations. Elle le maudit tellement fort que le sol se mis à bouillir. Celui-ci devenu magma laissait entrevoir de longues cornes et un visage des plus repoussants. Eleanore ressenti alors une profonde bienveillance pour cet être qui n’avait pas eu la chance d’être doté de beauté mais qui avait au moins le courage de répondre à ses appels à l’aide. Le démon, surpris par l’amour que l’humaine lui portait, l’aida à se relever et la replaça dans son lit. Son regard ne laissait transparaître aucun vice ni aucune sournoiserie. Il voulait simplement aider quelqu’un qui l’aimait. L’empathie de la jeune fille le toucha tellement, qu’il lui fit don d’un présent, il arracha le bout d’une de ces cornes et lui expliqua l’utilité de cette dernière. Elle avait comme pouvoir de semer le désir quand on souffle dedans. Ainsi, la jeune femme sombra dans un sommeil qui allait durer un cycle lunaire. Serrant très fort son présent, elle oublia tout soucis et fini léthargique.

Dans le même temps, le coq chantait déjà dans le village en contrebas, tandis que le jeune homme peinait à s’éveiller, des fermiers empruntaient le chemin près du frère cadet. Poussant un hurlement, il éveilla la curiosité des passants qui s’approchèrent. Tout de suite, il fut conquis pas la beauté du jeune garçon et répondit à ses demandes. Ils le ramenèrent à dos d’âne jusqu’au monastère. Arrivés là-bas, les prêtres lui vouèrent amour et sympathie. Malgré sa désobéissance, le masque que l’ange lui avait confié, empêchait quiconque de lui nuire. Il sut alors que sa sœur était alitée et dans une sorte d’hibernation inexpliquée. Pour l’un il s’agissait d’un périple divin, pour d’autre, d’un châtiment suites à d’éventuelles mots impies qu’elle aurait pu avoir envers le créateur. Ainsi il veilla sur sa sœur.

Un mois plus tard, alors que le jeune homme préparait une tisane pour réchauffer le corps maintenant très maigre de sa sœur, elle ouvra subitement les yeux. Devenue presque aveugle par malnutrition, elle ne sut reconnaître son frère, tant son aura avait évolué, elle demanda alors s’il avait eu vent d’un jeune homme exilé. La théière vola en éclats sur le pavé de la chambre, il prit sa sœur dans les bras et pleura toutes les larmes de son corps. Sa sœur compris alors que celui qui se tenait si proche d’elle n’était autre que son propre frère. Envahie d’une joie immense, elle fondu en larme et se laissa vivre ce moment de bonheur.

Le petit frère raconta son histoire. Après un bon repas, Eleanore retrouvait des couleurs et pouvait distinguer davantage de formes. Ce masque dont lui parla son protégé devenait de plus en plus net. Eleanore lâcha alors un soupir de bonheur.

Elle se souvint tenir la corne et se remémora la nuit où elle avait sombré. Elle la résuma à son frère et il ne pouvait ressentir plus de fierté envers l’être qu’il chérissait tant qu’a cet instant. Pour la première fois de leur vie. Ces jeunes êtres éprouvaient un bonheur qui dépassait tout ce qu’ils avaient connu jusque-là. Ainsi ils vécurent ce bonheur une saison entière, à s’aimer.

La nouvelle d’un garçon au halo divin retentit très vite dans les contrées. Le pape, épris d’une colère noire, se rendit au monastère pour châtier les jeunes qui avaient refusé de vivre selon sa convenance. Quand il arriva, il se rendit compte que les templiers qu’il avait envoyé en amont s’occupait du jardin du monastère. Le prêtre vint alors à la rencontre du pape et l’instigua de le suivre. Arrivés dans la paroisse aménagée pour l’arrivé du cortèges papales, il se tenait là, démasqué, devant la croix où le fils de Dieu fut cloué. Un grand sourire bienfaiteur s’inscrivait alors sur les lèvres du jeune homme et le pape ne pu s’empêcher de l’aimer. Malgré sa laideur, le jeune homme avait su, grâce à la corne dont sa sœur était munie, à s’accepter tel qu’il était et à s’aimer aussi profondément qu’il n’aimait sa sœur. Devant cet artefact pur d’amour, le pape ne pu retenir ses larmes et cria au miracle. La masque de l’ange et la corne qu’ils tenaient en main partirent en poussières et laissèrent un sillon de divinité que tous les hommes purent ressentir n’importe où il pouvait se trouver. Ainsi son amour pour lui-même rendit l’humanité plus belle.

- Idir Anki

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Bienvenue sur le "Singe à Plume"

Ma musaraigne, par SamElsa Pivo