N67: On va quand même pas changer le monde, mais...
MANUSCRIT N°67
"On ne va quand même pas changer le monde, mais..."
Adulte
ON VA QUAND MÊME PAS CHANGER LE MONDE, MAIS...
"On va quand même pas changer le monde, mais on va essayer peut être d’en parler, ensemble" dit le magicien, sur la place de la petite Mairie autour de la fontaine. L’eau fraiche coulait encore, rafraichissant l’atmosphère humide et chaude de la fin d’une saison. "Alors que dites-vous mes amis" lança-t-il aux quelques passants qui, surpris, s’arrêtèrent pour le regarder, l’entendre puis, dans un silence religieux l’écouter.
"Merci, merci mes amis, dit-il. On va quand même pas changer le monde" répéta-t-il, un pas de danse en avant les mains sur les hanches, avec son chapeau ponctué d’une plume blanche. Cette plume qui s’agitait à chacun de ses mouvements. "Mais on va ensemble, essayer de lui donner... Des couleurs ? Qu’en pensez-vous ? Seriez-vous d’accord ?" Les passants étonnés le regardèrent souriants pour certains, interloqués pour d’autres. "Etes-vous d’accord ?" lança-t-il, un peu comme une invitation. Des sourires alors apparurent sur certains visages.
"Je choisirai les couleurs du printemps" lança en premier, les yeux rêveurs, un jeune homme casquette sur la tête. Il venait de faire le tour de la fontaine sur son vélo, et avec l’audace de sa jeunesse, il brisa ainsi le silence interrogateur des acteurs de la place de la fontaine.
Soudain, on entendit une autre voix, celle d’un homme, un monsieur d’un âge avancé, assis sur le banc, face à la fontaine, béret sur la tête et canne à la main. "Moi celles de l’hiver" ajouta-t-il d’une voix rauque, légèrement enrouée.
"Et moi celle de l’automne" dit en écho, une mamie assise sur ce même banc, assise pas trop loin de lui, avec un joli sourire, comme pour le contrer, et peut être, allez disons le charmer.
"Et moi celles de l’été" cria la petite fille, aux longues nattes blondes, naïvement, en continuant à danser dans son cerceau rose.
"Ah parfait" dit le magicien, sa plume remuant de tous côtés. "Merci d’avoir répondu…vous êtes formidables mes amis, vous êtes merveilleux car à nous tous, vous savez, nous allons pouvoir réinventer le monde, celui qui vous plaira. Mais est ce que celui qui plaira à l’un plaira à l’autre ?"
Et là, quelques passants intrigués se rapprochèrent et curieux s’inquiétèrent de ce qui allait se passer. "Je sais vous n’êtes pas tout à fait d’accord, mais c’est normal…je sais je le répète, si vous n’êtes déjà pas tout à fait d’accord, c’est que vous êtes déjà d’accord, sur un point, celui de peut-être essayer de changer le monde…mais nous allons en parler ensemble, êtes-vous d’accord" lança t- il à la cantonade, "Notre monde n’a pas été créé aussi vite que vous le pensez peut-être …cela a pris du temps, 6 jours exactement puisque le 7ème jour le créateur a été obligé de se reposer, tant il avait donné de ses forces et de sa créativité. On va quand même pas changer le monde, mais il a imaginé un monde merveilleux pour que nous puissions vivre heureux.. Mais nous n’avons peut-être pas tout compris, pas tout respecté... comme on aurait dû.. Mais puisque vous acceptez d’en parler avec moi, le Magicien de votre village ce merveilleux village qui s’appelle « il était une fois » que j’aime beaucoup puisque je viens souvent à votre rencontre, alors je vais prendre soin de vous écouter et vous allez me donner toutes les raisons de votre choix et moi, j’essaierai de voir si cela est possible de faire plaisir à l’un, à l’autre et à l’autre encore.. J’aimerai tellement … Approchez-vous Mesdames, Messieurs on va essayer de repenser cela ensemble… On va quand même pas changer le monde, bien entendu et comme les paroles d’une chanson, je dirais même qu’il a bien tourné sans nous …il continuera …mais nous qui sommes là, ensemble on va juste essayer."
Alors le Monsieur d’un certain âge à l’allure d’un papy, dit d’une voix rauque : "je voudrais, je voudrais lui donner les couleurs de l’hiver car j’aime la blancheur de la saison. J’aime les flocons de neige, regardez ou plutôt imaginer la beauté, la splendeur d’un flocon, il est si beau, ce blanc translucide, merveilleusement limpide comme du Crystal, qui brille sous le rayon de soleil, me donne envie de rêver et d’imaginer un monde merveilleux sans erreur, sans écueil, sans faille, un monde de beauté."
Tout le monde le regarda, d’un air admiratif parler s’exclamer devant ce flocon imaginaire que tous arrivèrent alors à voir… Un silence prit place autour de la petite fontaine et prit fin par un merveilleux applaudissement…
Un souffle d’air rafraichissant s’imposa quelques secondes, puis la voix de la mamie vient rompre le silence Elle se tourna vers le papy en lui disant comme un aveu : "J’avoue cher monsieur, que j’ai été émue en vous entendant, parler de ce flocon de neige, si beau et si blanc, comme le serait une perle rare et précieuse…Moi j’ai choisi la saison d’automne car toutes ses feuilles que l’on ramasse à la pelle , comme le refrain d’une merveilleuse chanson, me font penser à des épisodes de ma vie… Regarder une seule feuille, c’est comme une page d’un roman, déjà par sa couleur, son camaïeux de brun doré au vert pré, les unes à côtés des autres, elles sont comme les étapes de ma vie, elles peuvent être vertes pour ma jeunesse et puis passer dans un coloris plus brun avec le temps , alors j’y verrais au travers de leur nervures, un vert doré, pour ma jeunesse, et plus clair encore pour mon premier baiser dit-elle, sans reprendre son souffle, en rougissant légèrement… et puis plus tard mon mariage, et nous voilà à la naissance de mes enfants et puis l’âge mure…. Vous savez, en regardant les feuilles je sais qu’elles seront très belles, puis de plus en plus larges, légèrement abimées, puis flétries comme le déclin. J’en tournerai une à une les pages comme celles d’un livre d’image, voilà." "Voilà" reprit–elle en regardant soudain à droite à gauche les personnes comme pour les prendre à témoin admiratifs et émus tous l’avaient écoutée… ils la regardèrent s’adresser au magicien qui, discrètement essuyait une larme… elle reprit le souffle rapide, la voix cassée. "Vous me comprenez, dites-moi si vous comprenez pourquoi si j’avais à choisir, je choisirais cette belle saison, qu’est l’automne pour ses feuilles pas encore mortes et leurs couleurs qui me parleront encore de ma vie si toutefois un jour, il m’arrivait de l’oublier."
"Bien sûr que je vous comprends ! dit le magicien, rassurant, touché, dans un tonnerre d’applaudissement, Comment pourrai-je ne pas comprendre, vous aimez la vie et vous venez de nous le dire… J’applaudis aussi Madame, merci d’avoir si bien exprimé vos émotions… merci Madame, j’ai beaucoup de respect pour vos jolies paroles et votre vécu."
Le papy ému et sans voix, sourit alors à la dame qui était heureuse de s’être exprimée aussi librement… "Bravo Madame, lui dit-il doucement, Vous m’avez conquis, j’ai aimé ce joli tableau, celui des pages de votre vie, encore merci" Souffla- t-il tout proche de son oreille!
Que se passait il donc sur cette place du village "il était une fois", le magicien lui aussi était pris à
son propre délire … Il fit une pause avant de reprendre son souffle, il avait senti qu’à ce moment précis, le monde pouvait enfin parler et se reconstruire et soudain la voix du jeune homme, mi- assis, mi- debout sur son vélo, vint rompre ce moment de magie:
"Monsieur j’ai beaucoup de respect pour vous, vous nous avez tous ébranlés par votre souhait, moi j’ai choisi de parler du printemps" Il parlait avec ses mains qui s’agitaient devant son visage, comme si il essayait de dessiner quelque chose… "car bien que je respecte ce que je viens d’entendre, dit-il les yeux cherchant à regarder avec tendresse le couple qui s’était légèrement rapproché, Rien n’est plus beau pour moi que le renouveau, et la beauté des fleurs , je choisis donc un joli bouquet de fleurs des champs, des coquelicots et des marguerites sauvages, qui symbolisent pour moi, la joie de vivre et le renouveau d’un monde en couleur, faits de beauté et d’espérance sans cesse renouvelés…"
Et comme par magie ce bouquet si joliment décrit, se posa entre ses mains qui dansaient devant lui. Soudain il se tut, et la scène se figea quelques instants, le magicien avait joué avec sa baguette et ce bouquet composé aux couleurs de l’amour, étonna la foule qui commençait à se faire de plus en plus dense… Le jeune homme émue, pencha son vélo au sol, et courut alors offrir ces fleurs à la mamie, qui émue, l’embrassa avec tendresse.
Mais que se passait il donc sur la place du village "il était une fois" en cette fin d’après-midi ? L’amour semblait flottait autour de la fontaine et tout semblait irréel…. Quelle magie venez donc surprendre tous les acteurs de merveilleux tableau ?
Le jeune homme, reprit son souffle et dit avec la voix pleine d’émotion : "Madame, que ces jolies fleurs puissent venir mettre plus de couleur et d’amour dans votre cœur, si je devais changer le monde, j’aimerai vous apporter toute la douceur possible pour que vous ne puissiez-vous souvenir que de ce qui fut de plus beau et qui le sera encore dans votre vie… Et vous vous Monsieur, que ces fleurs que vous venez sans doute d’admirer avec cette jolie mamie, vous apportent la couleur qui manquera un jour surement à votre tableau neigeux…"
Le silence devint de plus en plus profond, l’émotion se fit sentir davantage, le Monsieur se rapprocha de la mamie et lui prit la main…un sourire timide habilla son visage joliment empreint de rides… Tous se mirent alors à applaudir… C’était si beau, si magique à la fois, que la petite fille qui s’était arrêtée de danser dans son cerceau, s’approcha de sa maman et lui fit un gros câlin. Elle dit alors d’une voix craintive et sereine à la fois :
"Ca ne va pas changer le monde, car je suis trop petite pour y arriver mais moi aussi, je voulais dire que le monde pourrait être comme l’été car j’aime l’été….et si je devais donner de la couleur au monde, je voudrais qu’il soit jaune comme le soleil, car quand il fait beau et chaud on peut aller se baigner et que l’été c’est la plus belle des saisons… Maman est ce que ce serait possible, de faire descendre le soleil, pour qu’il réchauffe le cœur du papy ?" dit-elle, alors dans un souffle à sa maman, qui la regarda émerveillée de tant de maturité… Le Monsieur ému regarda la petite fille, s’approcha d’elle, et se mit à la hauteur de son visage:
"Que veux-tu dire ma jolie petite fille ? Explique-moi s’il te plait"
La petite fille reprit en se tortillant les nattes, "Tu sais, j’ai aimé quand tu parlais de ce beau flocon de neige, mais c’est peut être que tu as froid, toi… alors avec mon soleil je voudrais réchauffer ton cœur pour ne pas que tu aies froid ! Moi, j’aime le soleil, c’est comme une boule chaude qui brille et envoie ces rayons droits un peu partout pour éclairer le monde, et le réchauffer…" La petite fille parlait comme une grande, et elle rajouta comme une fée, en dirigeant sa main vers le ciel, en regardant le soleil qui commençait à descendre, " Je t’offre un rayon de soleil, un rayon d’espoir…le veux-tu dit-elle ?’’ et voilà que par magie, le bâton était entre ses mains, elle le tendit à ce merveilleux papy qui ne put le refuser.
Tout le monde autour de la fontaine avait applaudi pendant un long moment, les uns, essuyaient une larme, les autres souriaient, d’autres encore s’approchèrent de la petite fille et l’embrassèrent… Et soudain un accordéoniste du fond du village s’était approché et se mit à jouer un petit air de guinguette….’’ À Paris….’’.
Puis le magicien, qui se tenait la tête entre les mains, debout sur son podium, remit son chapeau pointu sur la tête car la plume était tombée et il n’arrivait plus à la replacer. Finalement il la posa à terre, il était redevenu sérieux, et demanda à la foule de bien vouloir faire un tout petit instant de silence car il avait besoin de prendre la parole qu’il prit alors solennellement :
" Ce qui vient de se passer est particulièrement magique, je suis aussi bouleversé, ému, touché que chacun de vous, ici sur cette place… Pourriez-vous s’il vous plait espérer avec moi une monde sans écueil comme le flocon de neige, un monde de chaleur comme ce rayon de soleil, un monde aux plus belles images de chacune de vos vies et tout cela parsemé de fleurs aux plus belles couleurs qu’il soient pour symboliser l’espérance et la générosité qui existent, l’avez vu, en chacun de nous ?"
Tout la foule à l’unisson se mit à applaudir, fort, très fort, qu’on n’entendit plus l’accordéoniste… Mais à l’ombre des regards, on put remarquer que le papy n’avait pas lâché la main de sa compagne de banc, la petite fille le tenait aussi sa main qui tenait le rayon de soleil, et le jeune homme ramassa son vélo et distribua sans compter des pétales de fleurs colorées un peu partout à qui en voulait…
Alors le magicien, d’une voix qui n’était pas habituelle, tant e lle était empreinte de solennité : "Je vais vous quitter, m’en aller mais je reviendrais… Mais avant je voudrais que l’on se tienne tous la main pour former une ronde, la plus belle et la plus grande qui soit et que ce moment d’échange soit à jamais gravé dans nos cœurs et nos mémoires …. Car ce qui s’est passé mes amis, Sachez-le, à cette heure précise, à cet instant précis, sera noté dans l’histoire du monde, un monde meilleur… J’aimerai qu’il y ait la main de la vie, puis la main qui prie et puis celle qui se tend à l’infini, et celle qui innocente Comme des enfants endormis réunira les unes aux autres pour faire cette ronde du monde aux couleurs des saisons et aux couleurs du bonheur… Ca ne va pas changer le monde, mais nous avons tous ensemble, et à l’unisson vécu un moment unique d’espoir, de renouveau, d’amitié et de don de soi…Je voudrais ne jamais l’oublier comme vous sans doute…"
Et la petite fille, leva la main pour dire cette si jolie phrase en pivotant comme une danseuse sur elle-même : "j’ai envie d’embrasser les gens du monde entier"
A la nuit tombée, le papy accompagna la mamie en la tenant par la main et la petite fille lui demanda de garder ce rayon de soleil, ce bâton, pour qu’il puisse peut être remplacer un jour sa canne, peut être qu’un jour il pourra remplacer ta canne lui lit dit-elle en l’embrassant les bras autour de son coup, et le jeune homme parsema tout le chemin de pétale de fleurs
Ca ne va pas changer le monde, mais vous avez tous vu le monde selon votre image, parce que cela vous, enchante, nous avons tous ensemble réussi à rêver d’un monde meilleur et c’est déjà beaucoup dit le magicien, en quittant la scène de ce joli village et en disparaissant dans la foule… sur les dernières notes de l’accordéoniste qui reprit sa valse, laissant les passants danser jusqu’au petit matin dans cette place du petit village ‘’il était une fois’’, où avait pris naissance l’alliance d’un flocon , d’un bouquet de fleurs, d’un rayon de soleil et de quelques feuilles d’automne….
- Martine Smadja
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