N42: On va quand même pas changer le monde, mais...


MANUSCRIT N°42
« On va quand même pas changer le monde, mais… »
Adulte

ON VA QUAND MÊME PAS CHANGER LE MONDE, MAIS...


« On va quand même pas changer le monde, mais on va le rêver, te susurre à l'oreille la plante verte suspendue à ta fenêtre, c'est pas un confinement qui va nous enfermer » et tu t'envoles pour une journée autour du monde emporté par les lianes de ton Ceropegia. 
Tu quittes, apaisé, le ventre calme de l'ashram indien, pour une douche brûlante aux bains douches ou résonnent les tambours du Burundi. 
Le toit de l'Himalaya est encore blanc. 
Tu t'invites pour un petit déjeuner au bord de la mer d'Etretat, au menu poulpes et glaces mêlées. Les boules au doux parfum de fleurs de Tiaré sont tranchées par la lame du brise glace qui file vers l'Antarctique. 
Au passage tu salues les pingouins de Punta Arenas. Ils te sourient. 
L'aurore boréale a le goût de pistache arrosé du rhum des bagnards de Cayenne. Ton courrier d'aventurier du bout du monde est posté. Tu suis ton télégramme dans les égouts de Paris .Il file de la Motte Piquet à l'Opéra Garnier. 
Il y aura du miel pour tes tartines. Tes doigts collent, l'expo Chtchoukine attendra. Vuitton emballé par Buren t'emballe et déjà tu t'échappes... 
Tu enfiles tes semelles sans attache et tu grimpes le Machu Picchu, avide d'air qui vient à manquer, mais le vent violent de ton voilier en pleine mer des Caraïbes t'oxygène. Il égrène le sable collé à ton front par le vent de désert des Touaregs. Tu sens le sel des caravanes qui filent vers le pays Dogon, une rondelle d'oignon que t'offrent ces paysans du bout du monde t'émeut aux larmes. Mais un fort goût de vanille de La Réunion adoucit ton palais enflammé par cet expresso avalé en terrasse à Milan. 
Tu rêves d'une longue voiture bidouillée comme ces jeeps philippines ou tu dormirais, ou tu inviterais des voyageurs éphémères et tu percerais les paysages du St Laurent aux Rocheuses. Le visage d'un Mapuche se détache sur le soleil couchant de l'île de Pâques. Tu es loin, les statues te saluent, solennelles face à l'immensité pacifique. 
Comme elles, tu te poses et tu contemples. 
La yourte de peau et de souvenirs t'attend sous les étoiles des Mongols. 
Et tu t'endors fatigué et heureux dans ton fauteuil usé ignorant les informations coronavirées qui tournent en boucle à la radio restée allumée.
- Anita Guillemin

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