N17: La Quête d'Inès

MANUSCRIT N°17
L'homme qui se tait
Adulte

 LA QUETE D'INES 

La chambre dans la pénombre. Ma mère au lit, très gravement malade. Sa fin est proche, terriblement proche.Je suis à son chevet, anéantie.
Très doucement, tendrement, délicatement, je lui pose la question que je n’ai jamais osé lui poser « Maman chérie, je t’en prie, dis-moi qui est mon père .Pourquoi ne l’ai-je jamais  connu ? J’ai besoin de savoir. » 
Ma mère ouvre les yeux avec difficulté et me regarde avec amour.  
D’une voix faible et douce, elle me confie son histoire, qui est aussi l’histoire de mon  existence. 
« J’avais 30 ans lorsque j’ai rencontré Alex Il était un peu plus âgé que moi. Il était grand, svelte, brun avec de beaux yeux gris-vert, pailletés d’or. C’est son sourire qui m’a séduite, un sourire à la fois enfantin et pur, irradiant le bonheur, profond, un sourire de début du monde. Tu as hérité de ce sourire, ma tendre et douce Inès. 
Nous nous sommes passionnément aimés durant trois semaines. Cette période de ma vie demeure mon plus beau souvenir. Alex n’était pas d’ici, il était de passage, et il a repris son chemin. Lorsque j’ai appris que j’étais enceinte de toi, je n’avais aucun moyen de le  joindre. Je ne connais pas sa vie d’avant ni ce qu’il est devenu à l’issue de notre parenthèse enchantée. Mais j’ai savouré le bonheur que chaque jour tu m’as apporté Inès. » 
Peu de temps après cette révélation, ma mère est morte. 
A présent, je suis sur les routes. Je suis à la recherche de ce père, dont je ne connais rien, à  l’exception de son prénom et de son sourire, son sourire qui est aussi le mien, son sourire de début du monde. Je ne suis pas pressée, j’ai tout mon temps et je ne sais pas où cette quête me mènera.  
Je chemine à travers la France, à pied, à vélo, une fois à dos d’âne, en auto-stop, en car, en  train, parfois dans une carriole. Je m’arrête dans des hameaux, des villages et des villes. Je  regarde les passants, les affiches municipales et les panneaux publicitaires. Je fréquente les musées quand il pleut, et je me promène dans les bois, les parcs, au bord de la rivière quand  le temps est clément. Je parle avec des inconnus, quelques mots échangés ou de longues conversations jusqu’au bout de la nuit, dans des bars à peine éclairés. 
Le soir, souvent, je vais au théâtre, au cinéma voir des films « grand public » en VF ou de  vieux films en noir et blanc. Le temps s’écoule, je suis libre, je suis bien.  
Je suis à Maubeuge. Une grande affiche, avec des couleurs criardes, attire mon regard. Ce soir, représentation unique d’un cirque. Je veux y aller, pour le plaisir d’un spectacle souvent désuet et pour voir la joie des enfants.

Je m’installe dans le brouhaha ambiant. La musique éclate. Le spectacle va commencer. 

Soudain deux clowns entrent en scène : j’adore les clowns ! Ils sont bien maquillés. Celui qui arbore un gros nez rouge parle beaucoup. L’autre clown se tait. Il s’appelle Alex, il a  un merveilleux sourire de début du monde et les enfants l’adorent. 


- Sylvie Kern


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