N12: On va quand même pas changer le monde, mais

MANUSCRIT N°12
« On va quand même pas changer le monde, mais… »
Adulte


ON VA PAS CHANGER LE MONDE, MAIS...

On va pas changer le monde, mais ce foutu Coronamachin, notre C19 à nous, il nous en
aura fait vivre des expériences !
Tenez, pas plus tard qu’hier matin...
La chauffeuse-livreuse me propose une deuxième coupe de Champagne.
Pas raisonnable, à 7 heures 30 du matin.
Mais, bon, du Dom Perignon Vintage 2008, ça ne se refuse pas. Et quand, en plus, c’est servi dans des coupes de cristal avec des petits blinis... Surtout qu’elle est plutôt mignonne la chauffeuse ; d’ailleurs, comment fait-elle pour garder des mains aussi propres, manucurées même, alors qu’elle livre des tonnes de fuel à longueur de journée ? Enfin, c’est vite dit, je dois être un de leurs derniers clients sur la région.
Et surtout elle carbure sec la minette ; ceci dit, vu son métier... Où est-ce donc qu’Antaressototal recrute leurs chauffeuses ? Avec un léger accent slave, elle roule un peu les R quand elle me parle de mon virement, « Qui devrrrait déjà êtrrre sur votrrrre compte ». Ou alors ce sont les bulles qui commencent à faire leur effet. Bizarre. Officiellement, les frontières sont fermées. Depuis quand, au fait ? Longtemps en tous cas.
Avec des stocks de pétrole devenus surabondants, que ne feraient pas les compagnies pour écouler leur camelote ? Non seulement ils vous paient une fortune pour remplir votre cuve, mais en plus ils sortent le grand jeu : un règlement à votre banque 30 jours avant la livraison, une jolie blonde pour vous détendre, des invitations à une dégustation de vaccins. Attention ! Dégustations à domicile bien sûr : ils n’ont plus le droit de vous inviter à des vacances, non, non ! Ça serait de la publicité mensongère, pour la bonne et simple raison qu’on n’a plus le droit de sortir ; alors, évidemment, il faut qu’ils soient sacrément inventifs !
Car il faut se mettre à leur place, pour eux c’est dur, des débouchés ils n’en ont plus desmasses. Il parait que même le gouvernement français - ou ce qu’il en reste après le Grand Confinement et la mainmise des chinois - ne réapprovisionne même plus les stocks stratégiques. De toute façon, il n’y a plus d’armée, alors...
Tiens à propos d’armée ! Il parait que le Charles de Gaulle a finalement été démantelé la semaine dernière : après l’infection au C26, toute la structure était rouillée.
Qui se souvient de C26 ? Un dérivé direct du C19, concocté par les chinois lui aussi, bien entendu : une vraie cochonnerie, non seulement il vous filait une sacrée grippe, mais, en plus, tout le métal que vous aviez touché pendant la période d’incubation partait en miettes. Bon c’était progressif, ça prenait des années, mais comme tous les marins à bord avaient été contaminés avant le Grand Confinement, et bien le Charles de Gaulle il s’est petit à petit retrouvé en miettes. CQFD. Ce Qu’il Fallait Démanteler.
Ils sont malins ces chinois. Vous savez bien sûr qu’ils fabriquent les virus. Mais ce que personne ne sait, c’est qu’en plus ils contrôlent l’aval, autrement dit les vaccins. C’était d’ailleurs comme ça, du temps des Pécéoudémac, souvenez-vous : ils fabriquaient les composants, mettaient - déjà - des virus dedans, ils assuraient le montage comme la distribution. Il y avait même tout un quartier à Paris comme ça. Bon, d’accord c’était il y a longtemps, je vous l’accorde.
Donc, nos chinois, ils sont subtils, car, officiellement, les vaccins, ce n’est pas eux. Non, non ! C’est la Podolskaïa, la mafia russe la mieux organisée là-bas, qui en assure l’écoulement. Donc, s’il y a un défaut quelconque, des effets secondaires, je ne sais quoi, non seulement les chinois ils sont pas en cause, mais en plus la Podolskaïa, pour aller lui chercher querelle, c’est un peu compliqué.
Bon, leur dernière dose m’a rendu aveugle d’un œil, je leur ai envoyé un fax la semaine dernière : j’aurais peut-être pas dû.
Allez, une troisième coupe. Ça va faire glisser le caviar.

- Roger Lamquin

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Bienvenue sur le "Singe à Plume"

Ma musaraigne, par SamElsa Pivo