N83: C'était le lendemain de ce matin-là

MANUSCRIT N°83
C'était le lendemain de...
Adulte

C’ÉTAIT LE LENDEMAIN DE CE MATIN-LA

C’était le lendemain de ce matin-là ; Le soleil avait dû se lever le matin et se coucher le soir comme tous les jours mais je n’avoue ne pas y avoir prêté attention du tout. Nous étions donc le lendemain de ce matin-là, du matin où tout a changé.
changé. Avant ce matin-là, il y a eu la dernière nuit comme avant, qui s’est déroulé exactement comme toutes les autres nuits comme avant. Quand j’y repense, je me dis que cette nuit était spéciale, puisque c’était la dernière nuit comme avant. Pourtant cette nuit n’a rien de particulière. A vrai dire, si elle n’avait pas été la dernière nuit comme avant ce matinlà, je ne m’en serais absolument pas rappelé. Et il en va de même pour la dernière journée comme avant, celle qui précède la dernière nuit comme avant ce matin-là.
Mais ce n’est ni de la dernière journée, ni de la dernière nuit comme avant dont je voudrais parler, mais du lendemain de ce matin-là. Du matin où tout a changé. Et bien tout ceci se passe le lendemain. Le lendemain matin pour être précis. Le soleil avait dû se lever le matin et se coucher le soir mais je vous le redis, je n’ai prêté aucune attention au soleil de la journée. Je venais de passer la première nuit après ce matin-là, la première nuit différente. Si je me rappelle de cette nuit, c’est justement parce que je ne m’en rappelle pas.
Avant, je connaissais la nuit par cœur. Du début à la fin. Je savais comment elle commençait et comment elle se terminait. Je cuisinais dans la casserole de la Grande Ours, je pouvais chanter la complainte des étoiles. Que ce soit un rencart amoureux, un règlement de compte ou le feulement d’un chat à l’angle d’une poubelle, je savais tout. Tout ce qui se passait entre le coucher et le lever du soleil, les petits tout et les grands rien, je pouvais les réciter les yeux fermés. Parole !
Mais ce matin-là, le lendemain du matin où tout a changé, rien. Je me souvenais de rien. Pour la première fois, je ne me rappelais pas de la nuit que j’avais passé. Et ce n’est pas tout. C’était aussi le premier matin où je n’avais pas froid.
Avant, quand la nuit s’arrêtait, j’avais toujours froid. Cela ne durait qu’une heure ou deux, mais j’étais gelé de partout. Comme si, la nuit ne voulait pas laisser sa place au jour. Comme si elle s’accrochait à moi. Pourtant s’il n’y avait pas le jour, il n’y aurait pas la nuit. L’un ne va pas sans l’autre mais c’est à croire que la nuit n’est pas d’accord. J’ai beau lui avoir expliqué plusieurs fois, elle n’a rien voulu entendre. Quand la nuit s’en va et que le jour arrive, ça s’appelle l’aube. Et c’est à ce moment qu’il fait froid. Rien n’est plus beau que l’aube. Enfin si, il y a le crépuscule mais lors du crépuscule, la lumière est envahie par les ténèbres alors qu’à l’aube, c’est l’inverse. C’est plus beau. On a l’impression que tout renaît. Alors que quand la nuit meurt, elle quitte le monde dans un grand frisson. C’est comme ça.
Mais ce matin-là, le lendemain du matin où tout a changé, alors que je n’avais pas vu la nuit de la journée, je n’avais pas froid non plus. Et ce n’est pas tout. Plus étonnant encore, j’étais allongé sur du mou.
Avant, j’étais sur du dur. Avant ce matin-là, celui du lendemain du matin où tout a changé, les matins d’avant avaient lieu sur une surface dure. Cela pouvait être n’importe quoi mais c’était dur. Que je sois allongé assis, parfois debout même, Les matins d’avant étaient toujours sur du dur. Alors que ce matin-là, le lendemain du matin où tout a changé, j’étais allongé sur du mou.
En fait, ce matin-là, le lendemain du matin où tout a changé, tout était différent. Je vous ai dit tout à l’heure ne pas avoir prêter attention au soleil de la journée. Qu’il y ait eu du soleil ou de la pluie, je serai bien incapable de vous dire quel temps il a fait ce matin-là, le lendemain du matin où tout a changé.
Avant, je savais toujours quel temps il faisait. Je pouvais appeler les nuages par leurs prénoms, je pouvais prédire s’il allait pleuvoir ou si le soleil allait briller, et je savais siffler le vent dans toutes les langues. Vrai ! Pour cela, je n’avais qu’à lever les yeux et regarder le ciel. 2/2 Et bien ce matin, le lendemain du matin où tout a changé, j’ai regardé le ciel et pour la première fois de ma vie, aussi longtemps que je m’en souvienne, le ciel avait des lattes.
Ce matin-là, le lendemain du matin où tout a changé, j’étais allongé sur un lit. 
Ce matin-là, le lendemain du matin où tout a changé, j’ai dormi. 
Ce matin-là, le lendemain du matin où tout a changé, je n’étais pas dehors.

- Guillaume Prevel

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