N74: C’était le lendemain de ce matin-là

MANUSCRIT N°74
C’était le lendemain de...
Adulte

C’ÉTAIT LE LENDEMAIN DE CE MATIN-LA

C’était le lendemain de ce matin-là, le soleil venait de se lever. Ils avaient tous eu la même idée. Courir au supermarché et y faire des provisions. On ne sait jamais, dans le doute, il faut 200 rouleaux de papiers toilettes. Signe prémonitoire de maris connaissant la qualité douteuse de la cuisine de leur femme. Max faisait également parti de ces gens-là. Tu sais « faut pas jouer les riches quand t’as pas le sou » comme disait l’autre mangeur de bonbons. C’est surement la première fois ou les courses de Max ressemblent presqu’à des courses d’adulte, bon si nous nous inscrivons dans une démarche d’honnêteté totale et parfaite, ce sont les courses d’un adolescent, quasi attardé. Des pâtes, en veux tu, en voila, des sauces, 10 kilos de patates (la fameuse chanson « Lundi des patates, mardi des patates » rythmera sa vie de confiné, plusieurs boites de Doo Wap (avec les pépites de chocolat au lait) et de la Féta Salakis, au bon lait de ; En bon fils de pub, Max ne savait pas faire des courses. Pour le côté salé, cela sera l’addition qui sera sienne, le 80,37 Euros de quasi futilités étant dans 3 sacs non recyclables.

Les petites mamies étaient arrivées après la guerre et se retrouvaient face à des rayons ou il n’y avait pas grand-chose. Dans ces moments-là, l’humain a cette capacité à être comme une pizza hut aux 4 viandes, ou un O Tacos de 2 kilos, fleuron de la barbarie gastronomique post moderne, il dégoute, écœure, file la gerbe. Pourtant et fort heureusement, cela n’étant pas mis sur les réseaux, autant se comporter comme un connard.

L’instinct de survie, il n’y a que ce de vrai. Fidèle à leur générosité exemplaire, plus d’un million de coquins parisiens étaient partis dans leur maison de campagne, histoire d’emmener avec eux, (Of course, ils sont covid19 porteur sain, ce sont les prolos qui vont l’avoir, puis c’est celui quidit quiyé) qui décimera tous les vieux qu’il croisera sur son passage, ou presque.

C’était bon de voir tant de solidarité dans le pays. Ça faisait au moins depuis la dernière coupe du monde ou tout le monde était sorti faire la fête dans le pays, dansant bras dessus bras dessous, ou cette petite frappe dépouillait avec le sourire le dernier Iphone de ce badaud qui dans un élan de générosité donna le fruit de son travail, demandant simplement si il pouvait faire un selfie avec son chapardeur. Foutu syndrome de Stockholm !

A vrai dire, ils n’avaient pas pris le virus au sérieux et parler du Covid en société était sujet de railleries et de moqueries. Puis un beau matin, c’est devenu sérieux. C’est devenu vrai, réel. Comme quand tu découvres que l’être aimé t’as berné. Que le mensonge était la pierre angulaire de ta vie, le ciment de ton âme. Aveuglé, bercé par les chimères d’un égo qui n’a d’égard que la débilité du programme Les Marseillais diffusé en replay au cours d’une banale nuit d’insomnie. C’est absurde. Pourtant Max l’avait vu, l’avait senti. C’était un message d’un savant qui l’avait alerté.

Il y a un virus qui se balade dans l’air, enfin, on ne sait pas si c’est dans l’air, il est peut-être par terre, ou peut-être sur ce bouton d’ascenseur, ou coincé entre une piquouze et un garrot comme dirait l’autre. A vrai dire, je ne cherche vraiment pas à comprendre, mais aussi sur que le soleil se lèvera demain, ce virus est comme un discours d’Emmanuel Macron, touchant et parfois mortel.

Le deuxième jour, nous sommes encore plus perdus que le premier. D’un côté, il y a les parents qui se plaignent. C’est dur d’être avec des enfants, enfermés, il faut s’en occuper, il faut, il faut. Et que ça pleure, et que ca part en jérémiades de toute sorte. Mais c’est comme tout. Assumez ! Assumez de ne pas avoir utiliser de préservatif, assumez de ne pas vous être retiré du vagin de madame et d’avoir voulu rester au chaud. Assumez les conséquences. Peutêtre qu’il serait temps de se faire ligaturer les trompes ? Votre fils est un casse bonbon ? Regardez-vous dans la glace, vous êtes de la même trempe.

Max est seul dans son salon, et se plait à avoir des réflexions de connard de droite vivant dans un Hlm rempli de gauchos, entouré de barbus en tout genre et autre Magoos qui font la diversité et la richesse de ces quelques m² que les bobos n’ont pas (encore) réussi à coloniser. De toute façon, la plupart ou au moins quelques ’uns sont parti à la campagne, et passent leur temps, entre l’apéro de 17h, qui commence parfois à 12h, et les enfants qui leur prennent toute leur énergie. Prune refusant d’appliquer avec Pimprennelle l’alinéa 4 de la méthode Montessori, en tofu mineur frit.

Pendant ce temps-là, chez les pauvres, les parents smicards sont 8 dans leur 3 pièces et demi et même l’air qu’ils respirent est compliqué. Certains métiers sont désormais qualifiés d’indispensable. Généralement, ce sont tous les métiers qui sont relativement méprisés par la gente féminine lors d’un rencard Tinder, Essaye de chiner une parisienne en lui disant « oui je suis livreur, c’est ma passion de ramener des sushis à des débiles de Parisiens qui font des apéros sur Skype, n’assumant pas pour trois sous leur alcoolisme qui emmène à vive allure leur foie vers une cirrhose du bonheur.

Quatrième jour, il faut aller faire des courses vues que les kebabs sont désormais fermés. Fini les chicken chika avec des mélanges de sauces chimiques qui n’ont rien de japonais. Max veut faire les choses biens. Que son confinement serve et soit utile.

Arrivé en caisse, il croise Fatou la Malienne (rien à voir avec la musique), sourire et boubou en wax hollandaise des grands jours. Pour elle, c’est bel et bien réel. Le Covid 19 lui a pris le vieux pépé qui venait tous les matins à l’ouverture et qui se débrouillait toujours pour payer avec des pièces de centimes. 
Il n’est plus de ce monde et elle l’a bien compris. Il y a aussi ce jeune obese de 35 ans, qui déambulait le plus souvent dans le rue Petit, paquet de Bamba XL à la main, spring mangue dans l’autre. 
Elle n’a pas d’autre choix que d’être croyante. Car elle n’a ni masques ni gants. Chaque vente est un supplice pour elle. Elle mémorise chaque visage, pour mettre en scène le potentiel pourfendeur de sa vie. 

Elle n’a pas encore de gants, ni de masque. Pour toute protection contre le postillon, du ruban adhésif s’offre à elle. Avec son boubou et le système D, on a presque l’impression d’être à Bamako, Elle sourit, Ca va Chef ? C’est le tour de Max.

Max la regarde : Oui, il est fou ce monde ; vous n’avez toujours pas d’équipement ?

Fidèles à leur réputation, les autres clients attendant trépignent d’impatience et ne comprennent pas comment ce grand colosse en survêtement taché prend le temps de parler aux gens comme s’il était le président de sa rue, repaire de remises en tout genre et de magouilleurs à la petite semaine, qui avaient toujours préféré vivre marginalement, en confinement avec l’argent.

Faites attention à vous.

De retour chez lui, Max s’aperçoit qu’il lui reste encore une quinzaine d’heures à tuer. Son coté capitaliste refoulé lui fait regretter de ne jamais avoir investi en viager et il se dit qu’aujourd’hui plus que jamais c’est sa journée. Je vais lire, je vais écrire, je vais faire plein de choses géniales, quantifiables, et montrables sur la toile. C’est le moment de devenir quelqu’un, d’être célèbre en léchant des WC, de mémoriser l’intégralité des épisodes des Marseillais, de faire semblant de lire belle du seigneur.

Pornhub Premium est offert. Voila. Il y au moins 500 vidéos. A raison de 4 vidéos par heure, pendant au moins une semaine. Marathon des droites, viol séculaire des idées et de la future liberté de mouvement à coup de géo localisation à la 5G. Des armes à tout va ont été accumulées partout, mais pas de simples masques ni de tests. Ce n’est pas comme ça que je vais sauver le monde, mais c’est écrit sur le site. SE BRANLER SAUVE DES VIES.

- Franck Tayar

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