N47: Recroquevillé
MANUSCRIT N°47
Récits et aventures d'un confiné
Adulte
RECROQUEVILLÉ
Je m’appelle Alix, Alix Pomatien, bourguignon de
naissance. Je suis châtain clair, mes yeux sont très
foncés, presque noirs. D’aucuns disent qu’ils sont
exorbités. Je trouve le qualificatif mal choisi. Je dirais
plutôt proéminents si vous voyez ce que je veux dire.
Que dire de plus pour me présenter ? Je suis plutôt beau
gosse dans mon genre, l’esprit vif mais le pas lent.
J’adore prendre mon temps, flâner. En général, je sais où
je veux aller et j’y vais à mon rythme.
Ma fable préférée, c’est… ?
Vous avez trouvé ?
Non ? Je suis un peu déçu.
Bon, un indice : « lièvre »
Trop facile maintenant, je n’en dirai pas plus. Je vais
supposer que vous avez trouvé.
Pour enfoncer le clou, sachez que si je n’ai pas d’affinités
particulières avec mes congénères d’outre-Piémont, en
revanche, j’adore un de leurs proverbes : « Chi va piano,
va sano ». Il résume bien ma philosophie de la vie.
Et puis j’aime le grand air, le soleil, le vent, la pluie ! Oh
la pluie, la pluie sur l’herbe fraîchement tondue des
jardins, c’est un parfum qui m’enivre plus que tout autre.
Et ce contact de l’eau avec ma peau, c’est à proprement
parler divin. Si, si divin ! je ne sais pourquoi je vous
imagine dubitatif. Rappelez-vous vos souvenirs d’avant
la naissance, le bain primordial…
Bref ! Je ne sais pas ce que je ferais sans eau et c’est bien
tout le problème auquel je suis confronté depuis
maintenant près de deux semaines si je compte bien.
D’ailleurs, j’aurais dû commencer par là...
Donc le 16 mars dernier, une sorte de vertige m’a saisi.
Je me suis soudain senti emporté comme par une
tempête. J’ai bien cru que mon dernier jour était arrivé…
Je crois que je me suis évanoui de peur. De terreur
devrais-je dire !
Et puis, je me suis réveillé dans cette… chose !
Quinze jours que je suis enfermé dans une véritable cage
où je tourne en rond. Enfin, où je tournais en rond car,
pour économiser ma salive, j’en suit réduit à ne plus
parler (sauf à vous mais là, je parle en moi-même, vous
voyez ce que je veux dire.), ne plus bouger. Prostré,
replié sur moi-même, recroquevillé, je vis au ralenti.
Enfin, si on peut appeler cela vivre… Et si cette privation
d’eau depuis lors me pèse, ce n’est pas tout: lumière,
nourriture… plus rien, absolument plus rien !
Plus que moi et moi. Bon, soyons clair, je m’aime bien.
Je m’aime vraiment bien. D’ailleurs, on me l’a assez
reproché !
« Tu es trop tourné vers toi, tu ne penses qu’à toi !
J’ai absolument tout entendu : Egoïsme, onanisme,
narcissisme… Et pourquoi pas hermaphrodisme
pendant que vous y êtes !
Bref, je suis au bout du rouleau. Je dépéris, je me meurs,
mes pensées se font plus floues, elles ra… len…ti…ssent.
Attendez, je vois comme une lueur…
Mais oui, enfin !!!! Ha, mes yeux ! C’en est même
éblouissant.
Quinze jours à en baver et je vais retrouver le goût de
vivre. Salut à vous et peut-être à une autre fois!
Signé : Alix, l’escargot
- Thierry Signac
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