N37: Confiné dans l'infini
MANUSCRIT N°37
Récits et aventures d'un confiné
Adulte
LAURÉAT
LAURÉAT
CONFINÉ A L'INFINI
C’était le grand jour. Le jour J. Des mois d’entrainement physique dans une pièce de
dix mètres carrés à peine, de vidéo conférence avec sa famille, de rationnement
nutritionnel.
Un sentiment de liberté furtif envahit la Major Lila McFurley, pour aussitôt laisser
place à un tressaillement craintif qui parcourut son échine. Le jour J. Le grand décollage.
Elle tourna la tête vers son copilote, le Sergent ElioK Wentley et lui adressa un regard
confiant tandis que son casque était glissé lentement sur sa tête par son aide de camp.
Alourdis par des combinaisons encombrantes, mais nécessaires, vu la mission qui leur
incombait, la Major Lila et le Sergent Eliott entrèrent dans le sas. “Pschcht”. Une minuscule
goutte de sueur dégoulina. “Pschcht”. Le soleil couchant dressait toute sa splendeur devant
les deux militaires. Inspiration. Expiration. Regard bienveillant.
Ils mobilisèrent toute leur énergie et leur courage pour fouler le sol brûlant et
traverser l’esplanade qui séparait la base de leur bolide. Il se dressait devant eux, déchirant
le ciel de sa hauteur vertigineuse. Le cœur battant, les deux militaires accélérèrent le pas,
conscients que le temps était compté.
Ils prirent place, prenant grand soin de valider les protocoles multiples qu’on leur
avait enseignés pendant ces mois de préparation intense. Un dernier check. Encore un
regard. “Dix … Neuf … Huit … Sept … Six … Cinq …” Déglutition. “Quatre … Trois …”
Inspiration. “Deux … Un …” Expiration. “Décollage”.
Un grondement assourdissant envahit la navette spatiale Ariane NN-1482.
Perpendiculaires au sol, les corps solidement harnachés de la Major Lila et du Sergent Eliott furent aux prises avec de sévères et inexorables convulsions. Puis ils se sentirent
lourdement soulevés du sol tandis qu’une force considérable comprima leurs corps sur leur
siège. Convulsions. Encore un regard. La tête qui tourne. Ploc (la goutte de sueur était
tombée). Après de longues minutes de chaleur intense et de lutte contre l’évanouissement,
le calme s’abattit enfin sur la navette spatiale et les deux militaires purent ôter leurs
casques étouffants. Raclement de gorge.
Conscients que ce n’était que le début de la mission et de la lourdeur de la tache qui
les attendait, ils se munirent du matériel dont ils avaient besoin. Le logiciel SpaceTeam
démarra sur leurs engins. La major Lila McFurley prit sa voix la plus bienveillamment
autoritaire pour ordonner :
“ Extinction des auto-taffes.
- Check. Allumage de la proto-cabine.
- Check. Hydro-tension sur 2.
- Hydrotension sur 2. Check. Manivelle de pression sur 4.
- Check. Extinction de la proto-cabine.
- Check.”
Puis la radio grésilla :
“ Prrrr Equipe au sol pour Major McFurley Prrr Equipe au sol Prrr McFurley.
- Major McFurley pour équipe au sol.
- Demandons point sur la situation.
- Situation stable, altitude 100 km au-dessus du sol, pression de la cabine correcte,
protocole 1B réalisé.
- Bien reçu Major Prrrrr.”
La voix à la radio reprit :
“ 200 km, il est temps de libérer les artefacts.”
Le Sergent Eliott Wintley tourna la mollette rouge et appuya successivement sur les
boutons Clic-Clic-Clic.
Puis la Major Lila McFurley reprit le micro : “Artefacts libérés mon Capitaine ;
- Bel envol mes enfants Hum Major”.
Les deux militaires échangèrent un regard complice furtif, puis reprirent leurs esprits,
conscients que la situation devait mobiliser toute leur attention. La navette s’allégea, dans
un grondement plus aigu.
Mais sur leurs écrans la situation se corsait : “météorite, retournez la fusée” et ils entendirent un BIPBIPBIPBIP-BIPBIPBIPBIP”. La Major Lila McFurley rassembla ses forces pour tirer lourdement sur le manche et éviter l’obstacle. Les deux corps furent transportés par la force centrifuge avant de revenir à leur état initial. Plusieurs obstacles de la sorte se multiplièrent devant eux et à chaque fois, bien qu’ils tinrent bon, leurs corps étaient transbahutés d’un côté à l’autre de l’engin.
Après de longues et épuisantes heures, le calme était revenu. “Regardez Major”, le Sergent attirait l’attention de son supérieur sur un point lumineux qui se rapprochait de plus en plus.
“La Station Spatiale Internationale !” s’émerveilla Major Lila. Elle en avait toujours rêvé. Petite, elle imaginait une maison suspendue dans le ciel … Elle reprit ses esprits, prenant conscience du regard appuyé de son subalterne. "Hum Hum, préparez-vous à accoster.
- Bien, Major.” répondit le Sergent d’un air renfrogné. Il avait toujours regretté de ne pas gravir les échelons plus vite et caressait secrètement l’espoir de bientôt se trouver assis à la place du Major. Après tout, il avait subi le même entrainement. Il avait juste quelques années de moins (et perdu à ce satané chifoumi).
Pouf, la navette était à présent solidement accrochée à la station spatiale. Les deux militaires prirent leur air le plus solennel pour fouler, pour la première fois, le sol de cet endroit si spécial. Enfin, fouler le sol …
“Mais non, duchnok, on est en apesanteur !”
La jeune Major se reprit :
“Hum, tenez bon, Sergent, il suffit de s’accrocher aux poignées, comme lors de l’entrainement.”
Ils prirent grand soin de ne pas montrer leur satisfaction aux habitants de la station spatiale internationale, pour ne pas perdre la face.
Les militaires furent accueillis comme des convives et chacun se présenta. Il y avait là deux Russes (Dmitri Bartolnov et Alexei Mandrovic), une Chinoise (Xi Mei Ning), deux Français (François Michel et Françoise Michele) et un autre Américain (Billy Bob Taylor). La Major Lila tiqua sur l’allure du Français, avec son nez trop long et son teint grisâtre (Flipper n’a qu’à bien se tenir!). Prenant place dans les lieux, ils découvrirent une trappe. Sous leurs yeux, sous leurs pieds, la Planète Bleue éclatait de toute sa splendeur.
“Euh, pourquoi y’en a deux ? C’est quoi cette espèce de patate là à côté ?!
- Bah, non mais enfin je voulais participer aussi quand même exagère pas t’es déjà le Major.”
Le Sergent se reprit : “Non mais j’veux dire voilà c’est la Lune quoi !
- Ah, oui, d’accord.”
Le Major Lila prit un crayon gris : “Voilà !”.
C’était de toute beauté. Tic Tac. Il était temps d’aller se coucher.
Émergeant douloureusement d’un sommeil de plomb, la Major Lila McFurley étira lentement ses muscles meurtris. Elle s’habilla à la hâte et parcourut aussi vite que cette infinie légèreté de son corps le lui permettait les quelques mètres de couloir qui séparaient sa couchette de la salle de repos de l’équipe. Une belle journée s’annonçait : démarrage de la mission scientifique, calculs sur le superordinateur, et pourquoi pas une sortie extravéhiculaire ?
“Lila, Eliott !” Je sors dans le jardin. Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Des objets en tous genres jonchent le sol : deux fauteuils de bureau couchés coupés de ceintures en cuir, mes casques de moto, des planches de carton …
Je franchis la porte de leur antre (cabane improvisée, draps, serviettes, pinces à linge …). Au sol, leurs deux derniers dessins (la planète Terre et une espèce de patate bleu-gris), la tablette tactile et mon téléphone lancés sur ce nouveau jeu collaboratif (SpaceTeam, nickel pour tuer le temps !), le vieux Talkie Walkie de pépé, trois briques de lait alignées à l’horizontale avec leur bouchon rouge à moitié défait, oh et tous les bouchons qu’on mettait de côté sont alignés au sol, 5 poupées (et Flipper !), un cintre tordu (le manche ?!), la minuterie pour cuisiner (BIPBIPBIPBIP-BIPBIPBIPBIP) …
Deux bouilles d’amour pleines d’herbe à force de “jouer à l’apesanteur”.
Pourvu qu’il dure ce confinement, je peux ENFIN m’incruster dans leurs jeux !
“ Bon, alors, les chéris, c’est qui le Major cette fois ?”
CHI-FOU-MI !
Mais sur leurs écrans la situation se corsait : “météorite, retournez la fusée” et ils entendirent un BIPBIPBIPBIP-BIPBIPBIPBIP”. La Major Lila McFurley rassembla ses forces pour tirer lourdement sur le manche et éviter l’obstacle. Les deux corps furent transportés par la force centrifuge avant de revenir à leur état initial. Plusieurs obstacles de la sorte se multiplièrent devant eux et à chaque fois, bien qu’ils tinrent bon, leurs corps étaient transbahutés d’un côté à l’autre de l’engin.
Après de longues et épuisantes heures, le calme était revenu. “Regardez Major”, le Sergent attirait l’attention de son supérieur sur un point lumineux qui se rapprochait de plus en plus.
“La Station Spatiale Internationale !” s’émerveilla Major Lila. Elle en avait toujours rêvé. Petite, elle imaginait une maison suspendue dans le ciel … Elle reprit ses esprits, prenant conscience du regard appuyé de son subalterne. "Hum Hum, préparez-vous à accoster.
- Bien, Major.” répondit le Sergent d’un air renfrogné. Il avait toujours regretté de ne pas gravir les échelons plus vite et caressait secrètement l’espoir de bientôt se trouver assis à la place du Major. Après tout, il avait subi le même entrainement. Il avait juste quelques années de moins (et perdu à ce satané chifoumi).
Pouf, la navette était à présent solidement accrochée à la station spatiale. Les deux militaires prirent leur air le plus solennel pour fouler, pour la première fois, le sol de cet endroit si spécial. Enfin, fouler le sol …
“Mais non, duchnok, on est en apesanteur !”
La jeune Major se reprit :
“Hum, tenez bon, Sergent, il suffit de s’accrocher aux poignées, comme lors de l’entrainement.”
Ils prirent grand soin de ne pas montrer leur satisfaction aux habitants de la station spatiale internationale, pour ne pas perdre la face.
Les militaires furent accueillis comme des convives et chacun se présenta. Il y avait là deux Russes (Dmitri Bartolnov et Alexei Mandrovic), une Chinoise (Xi Mei Ning), deux Français (François Michel et Françoise Michele) et un autre Américain (Billy Bob Taylor). La Major Lila tiqua sur l’allure du Français, avec son nez trop long et son teint grisâtre (Flipper n’a qu’à bien se tenir!). Prenant place dans les lieux, ils découvrirent une trappe. Sous leurs yeux, sous leurs pieds, la Planète Bleue éclatait de toute sa splendeur.
“Euh, pourquoi y’en a deux ? C’est quoi cette espèce de patate là à côté ?!
- Bah, non mais enfin je voulais participer aussi quand même exagère pas t’es déjà le Major.”
Le Sergent se reprit : “Non mais j’veux dire voilà c’est la Lune quoi !
- Ah, oui, d’accord.”
Le Major Lila prit un crayon gris : “Voilà !”.
C’était de toute beauté. Tic Tac. Il était temps d’aller se coucher.
Émergeant douloureusement d’un sommeil de plomb, la Major Lila McFurley étira lentement ses muscles meurtris. Elle s’habilla à la hâte et parcourut aussi vite que cette infinie légèreté de son corps le lui permettait les quelques mètres de couloir qui séparaient sa couchette de la salle de repos de l’équipe. Une belle journée s’annonçait : démarrage de la mission scientifique, calculs sur le superordinateur, et pourquoi pas une sortie extravéhiculaire ?
“Lila, Eliott !” Je sors dans le jardin. Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Des objets en tous genres jonchent le sol : deux fauteuils de bureau couchés coupés de ceintures en cuir, mes casques de moto, des planches de carton …
Je franchis la porte de leur antre (cabane improvisée, draps, serviettes, pinces à linge …). Au sol, leurs deux derniers dessins (la planète Terre et une espèce de patate bleu-gris), la tablette tactile et mon téléphone lancés sur ce nouveau jeu collaboratif (SpaceTeam, nickel pour tuer le temps !), le vieux Talkie Walkie de pépé, trois briques de lait alignées à l’horizontale avec leur bouchon rouge à moitié défait, oh et tous les bouchons qu’on mettait de côté sont alignés au sol, 5 poupées (et Flipper !), un cintre tordu (le manche ?!), la minuterie pour cuisiner (BIPBIPBIPBIP-BIPBIPBIPBIP) …
Deux bouilles d’amour pleines d’herbe à force de “jouer à l’apesanteur”.
Pourvu qu’il dure ce confinement, je peux ENFIN m’incruster dans leurs jeux !
“ Bon, alors, les chéris, c’est qui le Major cette fois ?”
CHI-FOU-MI !
- Maëline Seraut
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