N30: L'envolé-e
MANUSCRIT N°30
C'était le lendemain de...
Adulte
L'ENVOLÉ-E
C’était le lendemain de ce matin là ; le soleil …
C’était le lendemain de ce matin là ; le…
C’était le lendemain de ce matin là…
C’était le lendemain de ce matin...
C’était le lendemain de ce...
C’était le lendemain de...
C’était le lendemain...
C’était le...
C’était…
Non d’un chien, pas un chat, je perd tout décidément
même le soleil n’est pas là, il était là oui, ce matin là mais c’était CE matin Là.
Depuis chien chat soleil , envolés depuis le lendemain de ce matin là
et depuis il ya eu le jour d’après
Je n’étais pas vraiment pressé qu’il arrive celui-là
pas plus que les autres d’ailleurs
je n’aime pas quand le temps s’accélère
et que les jours se suivent queue leu leu
sans rythme ni raison des accumulations de jours
qui deviennent des semaines puis des mois
pour finir en année
avec un début et une fin
aussi prévisible l’une que l’autre
les unes que les autres
inscrites avec des saints pour pas les oublier
et puis une météo aussi
mais ça ce serait plutôt pour essayer autre chose
autrement un peu plus aujourd’hui
un peu moins que demain
soleil et beau temps profitez en
pluie c’est mauvais temps restez dedans.
Il paraît qu’il n’y a plus de saisons
ben ça alors si ça non plus y’a plus
décidément je perds tout.
Il paraît qu’il existe des systèmes, des trucs quoi, pour
pas perdre
pas perdre son temps
pas perdre son argent
pas perdre ses dents
pas perdre son talent
ni rien jamais garder tout l’temps.
Foutu jour d’avant
si j’avais su !
Mais revenons si vous le voulez bien
à ce matin d’avant le jour d’après
J’ai beau chercher, scruter, soulever les coussins
regarder au loin
si jamais je voyais mais non rien, rien de rien
et pas un chat pour demander,
personne .
Ils étaient pourtant là
eux aussi le jour d’avant le jour d’après
où sont ils donc passés, c’est à se demander
j’ai donc été à ce point distrait ?
A quel moment ils sont passés
et disparus.
J’avais bien commencé
pourtant
j’avais mis de côté,
bien rangé mes papiers
remplis les formulaires
fait les photocopies recto/verso
récupérer tous les certificats
et bien numéroter tous les récépissés
vérifiés, revérifiés
je ne suis pas quelqu’un d’inquiet, non
mais l’expérience
et quelques mésaventures que je n’ai pas le temps de développer là
m’ont appris la prudence et l’importance de la vérification
tout vérifier voilà ce à quoi je passais désormais un temps fou
j’en avais délaissé et le chien et le chat
j’avais d’ailleurs sans doute pour cela et perdu le nom du chien
et perdu le chat tout court
ça m’avait chagriné au début et puis on s’habitue
finalement le chien a fini les croquettes du chat
c’est toujours ça de gagner
pour mes papiers c’est plus pratique le chat parti
il n’aimait pas me voir comme ça trop affairé
dans mes papiers.
Alors ce matin là j’avais repris tranquille ma vie
levé à l’heure mangé à l’heure couché à l’heure mais avant ; les papiers.
La date limite, ça allait , j’avais encore le temps
rien ni personne pour me distraire,
rien ni personne pour m’empêcher
à bien y regarder, j’aurai dû me méfier
je n’étais pas à mes affaires.
J’étais en forme, oui, même si un petit quelque chose
mais pas grand-chose si j’y repense, une intuition peut-être
prémonition, je ne crois pas ...
Je ne crois pas les gens qui disent
dans l’après coup qu’ils avaient pressenti, trop facile
de jouer les devins ; ou bien je suis naïf
ou bien distrait
qu’importe car aujourd’hui le résultat est là
point final.
Voilà que je m’emporte
mais c’est bien contre moi que je devrais crier
si seulement un son un seul audible
mais j’ai beau m’y reprendre
c’est à n’y rien comprendre ma voix elle aussi est perdue
Ça commence à bien faire je me dis ce matin
levé du mauvais pied
je reprendrais demain, j’ai le temps
et me voilà batifolant dans mon appartement
sautillant presque,
presque soulagé de remettre à demain ce que je devais faire
me mettant à des choses que depuis bien longtemps
je remettais pressé à des calandes grecques
bouquiner, rêvasser, repasser des vinyles
bref que des choses inutiles.
Et la journée passa comme ça, comme jamais
j’essayais de comprendre d’où venait mon état
je cherchais, tentais d’analyser, retournais en tout sens
non je ne voyais pas
A moins que... peut-être … non l’idée est trop bête…
Mais à y revenir peut-être...quand même…
Est-ce possible ? j’aurai perdu du temps
et j’en serai content ?
Je ressentais au moment du coucher un sentiment nouveau
j’étais bien dans ma peau
je m’endormais heureux.
Le soleil me réveille,
je m’ébroue
et si je m’écoutais, tiens je ferai la roue
beau matin de printemps
il fait beau
la fenêtre est ouverte
petit vent léger promesse du redoux
un coup d’oeil au réveil, il est tôt ce matin c’est pas mon habitude
léger je tourne un peu la tête et vois là sur le mur
oui le mur, là, le calendrier
mais que s’est -il passé ?
aurais-je autant dormi
qu’aujourd’hui au réveil on est déjà demain ?
J’aurai aussi perdu un jour ?
Nom d’un chien,
j’ai dépassé la date !
Mon dossier préparé , bien ficelé
tout prêt à envoyer
le voilà périmé.
l’angoisse me saisit
que va-t-il se passer s’ils viennent me chercher
mon sang ne fait qu’un tour
et je cherche l’issue
la fenêtre oui bien sûr
j’y cours que dis-je j’y vole
et voilà le rebord : sauvé
et déployant mes ailes je m’élance
fier de moi défiant la pesanteur
Au lieu d’un point final, c’était un point virgule ;
car me voilà pigeon.
- Frédéric Peyre
Commentaires
Enregistrer un commentaire